De futurs ingénieurs très prisés

La route calédonienne vers les écoles d'ingénieurs s'élargit. À côté des classes prépa de Jules-Garnier, voie royale vers les concours, pointe un cycle universitaire qui se positionne sur l'admission parallèle. Incursion en terrain scientifique convoité.
Écrit le 2 August 2017

Depuis cette rentrée 2017, l'Université de Nouvelle-Calédonie forme des candidats aux écoles d'ingénieurs via un « cycle universitaire préparatoire aux grandes écoles ». Ce CUPGE scientifique veut, selon ses promoteurs, offrir une alternative aux concours auxquels préparent spécifiquement les CPGE, les fameuses classes préparatoires du lycée Jules-Garnier. Le cycle universitaire emprunte la voie de l'admission parallèle, qui repose sur une volonté des écoles d'ingénieurs de s'ouvrir à d'autres profils en leur réservant un quota de places. Et selon Bianca Travain, responsable du CUPGE de l'UNC, le nombre de ces places est en augmentation. Reste que la voie est étroite : cette année, le groupement GEI (13 écoles prestigieuses) réserve ainsi 140 places aux étudiants de niveau L3 – de toutes provenances – après une sélection sur dossier et des épreuves écrites et orales d'admission. Mêmes conditions pour CASTIng (Écoles centrales), avec 115 places. Pour les CCP (concours communs polytechniques), ce sont 80 places dans une quinzaine d'écoles après des écrits d'admissibilité et des oraux d'admission. On compte encore le groupement des « petites mines », avec une trentaine de places après admissibilité sur dossier, entretien et test d'anglais. La plus large avenue est celle du groupement Polytech (13 écoles) avec 1 100 places réservées aux étudiants de DUT et 2e année de licence après admissibilité sur dossier et entretien d'admission.

Produit d'appel

Le CUPGE est un parcours de licence renforcé : les cours magistraux sont mutualisés avec ceux de la licence et s'y ajoutent des TD menés par une équipe dédiée au cycle préparatoire – mais les enseignements sont exclusivement fondamentaux –, du français et de l'anglais, des entraînements… En cas d'échec à rejoindre une école, la licence peut être validée et le cursus poursuivi en master.
Pour Bianca Travain, qui enseigne les mathématiques, « le CUPGE donne la possibilité à un public qui ne souhaite pas intégrer la prépa, ou n'a pas le niveau, ou veut se réserver des débouchés plus larges, de poursuivre un cursus universitaire tout en visant un parcours ingénieur ». La motivation de l'UNC à structurer ce parcours est sans doute aussi, comme dans les universités de l'Hexagone, d'endiguer l'hémorragie des filières scientifiques, en attirant des étudiants qui ne viendraient pas sans l'assurance d'une formation sélective et de bon niveau. Un produit d'appel en quelque sorte. Seul le CUPGE maths-physique s'est ouvert à la rentrée (le cycle physique-chimie n'ayant pas attiré un nombre suffisant de bacheliers), avec vingt candidats retenus (sur 40 dossiers reçus), trois du Nord, un des Îles, les autres issus de Nouméa et son agglo. « On aimerait démocratiser ce cursus », appuie sa responsable. Même volonté à Jules-Garnier, où l'équipe des CGPE constate qu'« il y a des potentiels partout en Calédonie, dans tous les lycées. Dans le Nord et les Îles, c'est à nous de dénicher ces élèves, qui peut-être n'osent pas, se disent : “ ce n'est pas pour moi ”. »

Savant équilibre

Les professeurs des classes préparatoires ont appris la création du cycle universitaire… sur le dernier Salon de l'étudiant. Ne pas avoir été informés en amont n’a pas manqué de les contrarier, surtout de la part d'« une ancienne professeure de la prépa du lycée », glisse Laurent Bècle, qui enseigne les sciences industrielles de l'ingénieur (SII) en prépa depuis 2000. Il ne redoute pas tant la concurrence de l'initiative que « le risque de désillusion » des étudiants : « Le nombre de places en admission parallèle est limité et la sélection sur dossier est souvent défavorable aux candidats dits “cocotiers”, nous l’avons constaté. » Lui et ses collègues regrettent que l'effort de l’UNC ne se soit pas porté plutôt sur l'ouverture d'un parcours SVT, qui fait défaut et répondrait à un réel besoin en Calédonie. Selon Bianca Travain, « un parcours plus orienté sciences de la vie et de la Terre (Agro-Véto) est en projet », ajoutant qu’« une filière SVT sup existe au sein de la licence SVT qui a déjà pour objectif de préparer aux concours Agro-Véto par la voie d'admission parallèle ». Voilà donc un savant équilibre à trouver pour s’adapter aux besoins du pays mais aussi aux projets des jeunes Calédoniens. L’offre de formation scientifique, en tout cas, ne tarit pas.