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La souffrance au travail, sujet douloureux !

« avec la participation du Dr Dominique Salino du Smit » Alors que le salon colloque organisé par la DTE sur le thème « Santé, sécurité au travail » a eu lieu du 20 au 23 septembre, le sujet sur la  souffrance au travail n'est pas une question classique et reste délicat.
Écrit le 28 August 2012

Christophe Dejours, psychiatre et psychanalyste, auteur d'un livre sur la peur et la souffrance liées au contexte professionnel nous parle de:

  • qui assument des tâches dangereuses pour la santé les ouvriers du bâtiment, les entreprises de sous-traitance de la maintenance nucléaire, les abattoirs industriels, les élevages de poulets, les entreprises de nettoiement, les chaînes de montage…
  • ceux qui subissent des nuisances : radiations ionisantes, virus, levures, amiante…
  • et enfin, tous ceux qui ont tout simplement peur de ne pas être à la hauteur de ce qu'on leur demande, par exemple, les cadres… » d’où la mise en place de plus en plus fréquente du coaching individualisé.

En effet, dans les années 90, les cadres étaient soumis à un tel stress qu’un accompagnement de type coaching prenant  en compte non seulement la situation professionnelle mais aussi la situation personnelle, était devenu nécessaire.
Le docteur Dominique Salino du SMIT ;  Service Médical Interentreprises du Travail de Nouvelle Calédonie, grandement préoccupé par ce sujet a bien voulu répondre à quelques-unes de mes questions :

  • Eve Renault : Quand peut-on parler de souffrance au travail ?

Dr Salino :  Les notions de travail et de souffrance ou au moins de contraintes sont consubstancielles. Il n'y a pas de travail sans une contrainte voire même une certaine souffrance, mais les contraintes du travail sont normalement équilibrées par le plaisir de faire un métier, par l'agrément que suppose de résoudre un problème, par l'occupation qui en résulte, par la reconnaissance sociale qui en résulte et par le salaire qui permet d'assurer l'existence. Lorsque cet équilibre entre gratification et contraintes n'existe pas, il peut y avoir souffrance au travail, mais la sensibilité au déséquilibre est variable selon les individus et les critères qui les ont conduit a choisir leur métier.

  • ER : Comment se manifeste-t-elle ?

DS : La souffrance au travail se manifeste par un mal-être, une dépression ou des troubles anxieux, par une incapacité à exercer son métier ou à minima par des erreurs.

  • ER : En quoi est-ce  important d’en parler ?

DS :  Parce qu'en parler est le préalable à la découverte d'une solution. Mais il faut en parler à un interlocuteur "compétent". L'interlocuteur compétent est le supérieur hiérarchique voire le patron si l'origine vient de l'entreprise, le médecin traitant ou le médecin du travail si l'entreprise ne paraît pas responsable au premier plan. Il faut informer le conjoint, mais éviter de lui faire porter toute la charge du malheur au travail. On sait bien aussi que parler d'un problème que l'on rencontre permet de relativiser ce problème, de recueillir des avis voire de trouver des solutions. Certains pensent aussi que verbaliser un problème jusque dans ses ultimes retranchements permet de guérir, ce qui relève d'un bel optimisme.

  • ER :  Les conséquences personnelles, professionnelles ?

DS : Les conséquences personnelles sont de quitter l'état de bonne santé en devenant anxieux, dépressif ce qui a des conséquences sur la vie sociale, familiale qui peut en être bouleversée. Il n'est pas rare que des arrêts de travail ponctuent la vie professionnelle d'un salarié qui souffre au travail.
Les conséquences professionnelles vont dans le sens d'une détérioration des performances professionnelles et du fonctionnement social dans l'entreprise qui peut conduire à des heurts, des erreurs et in fine à la terminaison du contrat de travail.

  • ER :Comment s’en sortir ?

DS : Il faut identifier les raisons de la souffrance au travail. De nombreuses causes sont identifiables parmi lesquelles je citerai :

  • une situation ou une attitude  qui ne convient pas à la logique de l'entreprise : s'il s'agit de problèmes de santé mentale comme d'une dépression ou d'un trouble anxieux, le traitement médical est essentiel. S'il s'agit de problèmes de disponibilité personnelle, en parler pour trouver une solution. Chaque situation doit faire l'objet d'une réflexion pour trouver la solution adaptée;
  • le harcèlement moral ou sexuel sont des causes possibles. Le harcèlement est un qualificatif juridique par ailleurs bien défini et encadré par la Loi. La solution est juridique, éventuellement précédée de tentatives d'explication. Le harcèlement moral n'est pas spécifique d'une situation. Si l'on imagine la situation ou un chef harcèle ses travailleurs, il faut reconnaître aussi que des supérieurs peuvent être harcelés par les travailleurs qu'ils commandent, des patrons par leurs salariés, des travailleurs par leurs collègues. Ce qui qualifie le harcèlement n'est pas une situation hiérarchique mais un mécanisme organisé à l'origine d'une souffrance.
  • même s'il n'y a pas harcèlement stricto sensu, la gestion humaine inadaptée et les façons de commander incorrectes peuvent conduire à la souffrance, de même que  la mauvaise organisation des entreprises. Ici c'est affaire de situation allant du dialogue à l'action syndicale en passant par la médiation.
  • les "erreurs de casting" consistant pour une personne à faire un métier qui ne lui convient pas. La solution est d'en changer.

L’intervention du médecin du travail ?

Le médecin du travail est l'interlocuteur de référence pour ces situations de souffrance au travail car à priori, il connaît l'entreprise, le salarié  et peut faire l'analyse de la situation et proposer des solutions. A noter que le médecin du travail ne donne pas d'arrêt de travail mais il peut par contre prononcer une inaptitude qui peut et qui doit en général être relayée par un arrêt de travail du médecin traitant. Le médecin du travail pourra également estimer que la souffrance est telle qu'un avis d'un spécialiste comme un psychiatre est nécessaire. Le droit calédonien permet à la médecine du travail de prendre en charge la première consultation. Il s'agit de lancer le travailleur dans une dynamique de soins et pas de se substituer à la CAFAT.

S'il y a un dysfonctionnement de l'entreprise, le médecin du travail pourra rencontrer l'employeur ou orienter les travailleur vers l'inspection du travail.

S'il arrive au médecin du travail de penser à une situation de harcèlement, ce n'est pas un qualificatif du métier mais un qualificatif juridique. Le médecin du travail va gérer la souffrance issue du harcèlement comme un autre, néanmoins en donnant des conseils dont l'application peut parfois faire céder la souffrance.
In extremis, le médecin du travail peut prononcer une inaptitude, préalable à la rupture du contrat de travail car la souffrance est trop intense.

En conclusion :

La souffrance au travail est un vrai phénomène de société et une réalité sur le terrain.

Osez observer les moyens réels que vous offrez à vos salariés pour leur bien être et l’épanouissement de chacun, au delà du rendement, de la production et du CA de votre entreprise.

Motivez vos équipes où la confiance et le respect sont  essentiels au bon fonctionnement du service.

Comment se motiver et motiver son équipe si la suspicion, la méfiance et le doute sont l’une des sources de votre management ?

Trop de dirigeants cherchent à créer de la motivation, alors que les fondements simples de la relation humaine basés sur la confiance ne sont pas présents.

Les entreprises les plus performantes aujourd’hui, sont celles où la souffrance au travail est moindre ou bien n’existe pas, la prévention étant l’une des premières préoccupations.

Eve Renault